Documents fondateurs
Eléments de réflexion sur la relation avec les artistes du monde arabe et du (...)

Eléments de réflexion sur la relation avec les artistes du monde arabe et du pourtour méditerranéen


Ferdinand Richard, février 2012

La conjonction des trois tendances lourdes exposées ci-dessous a depuis quelques années des conséquences de plus en plus visibles dans le monde de l’action artistique et culturelle au sud, et impacte par conséquent les relations artistiques et culturelles entre les composantes européennes et ses voisins du sud.


- 1) la délimitation euro-méditerranéenne stricto sensu n’est plus pertinente. Comme les échanges entre activistes du Printemps Arabe, (et puisque ce sont souvent les mêmes), les échanges entre artistes et opérateurs s’égrèneront de plus en plus le long de nouveaux axes (Casablanca/Abou Dhabi, diasporas arabes en Europe ou aux Etats-Unis/Pays du Golfe, Algérie/Turquie, Balkans/Pays du Golfe, etc...), dépassant largement une "communauté euro-méditerranéenne" traditionnelle, déjà mise à mal par de nouveaux flux commerciaux.


- 2) Comme en Europe, les moteurs du dynamisme culturel seront de plus en plus à trouver auprès des autorités locales, y inclus des autorités "non-culturelles" (chambres de commerce, etc...). On ne peut donc limiter la prospective à un échange uniquement inter-étatique (ministères de la Culture). D’ailleurs, cette évolution est déjà en filigrane des derniers appels à projets européens (ENPI, etc...)


- 3) Comme chacun sait, la redistribution des pouvoirs au niveau global a des conséquences sur la redéfinition des "zones influentes". En ce sens, la "priorité méditerranéenne" ne peut plus s’entendre comme une fin en soi. Il faut construire le partenariat culturel Europe/Monde Arabe comme une plate-forme d’échanges avec les autres mondes (Chine ? Inde ? Asie Centrale ? Amérique du Sud ?)


Ces trois tendances impactent directement l’action artistique et culturelle. Elles entraînent quelques axes à privilégier, par exemple :


- Etablir au préalable le "diagnostic culturel" du bassin de population concerné, en concertation/consultation avec les autorités locales et le monde culturel/artistique local. Le prévoir dans les budgets, y inclus sa révision régulière. Le diagnostic débouche sur un plan d’action.


- Toujours penser deux abcisses et ordonnées pour le plan d’action territorial : pluri-annuel et inter-territorial. Partenariat multiple. Développement durable. Etayer le discours sur les Droits Culturels, la Convention UNESCO sur la Diversité Culturelle, l’Agenda 21 de la Culture.


- Rendre dignité aux producteurs par l’autonomisation des prises de décision, y compris par une certaine autonomie financière. Faciliter l’initiative de production facilite aussi l’accès au chef-de-filat. Fonds d’aide à la production ? Crédit mutuel ? Privilégier l’activisme culturel/artistique au détriment de la consommation culturelle passive.


- Dépasser les formations cloisonnées, prévoir un plan de formation intégré, transversal, complet, adapté à l’ensemble de la problématique du territoire concerné, et connecté à des mesures de consolidation des "industries culturelles locales". Arréter les saupoudrages d’actions de formation. L’offre de formation est obligatoirement liée à une problématique collective, et intrinsèque au plan d’action territorial. Elle est transversale.


- Toujours évaluer le "retour sur investissement", en fonction de critères normés (et débattus), incluant autant des paramètres de l’Economie que ceux de la Cohésion Sociale, mais sans dépouiller la fonction de création artistique, toujours prioritaire.


- Inventer les plate-formes du compagnonnage, lieux contractualisés où l’on élabore l’association de la coopération décentralisée et de la responsabilisation des artistes/producteurs. Le compagnonnage implique une plus grande solidarité, mais est aussi un facteur collectif d’autonomisation. La plate-forme n’est pas centripète, elle est centrifuge.


- Adopter une stratégie "européenne", associant les différentes institutions nationales européennes concernées (Eunic), en dialogue avec les initiatives "globales". Dans le même temps, leur insuffler un certain degré de "consultation populaire"